Le Sommet extraordinaire de la CEDEAO sur le Niger

La Conférence des Chefs d’États et de Gouvernements des pays membres de la Communauté Économiques des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à l’exception (du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée et du Niger) s’est réunie à Abuja (Nigéria), le 30 juillet 2023, en session extraordinaire sur la situation politique au Niger, sous la présidence de Mr. Bola Ahmed Tinubu, Président en exercice de la Communauté.

Le Président de la Commission de la CEDEAO, Omar Alieu TOURAY, le Président de la Commission de l’Union Africaine, Mr. Moussa Faki MAHAMAT, le Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), Mr. Leonardo Santos SIMÀO, ainsi que le Président de la Commission de l’UEMAO, Mr. Abdoulaye Diop, étaient également présents à ce Sommet.

La Conférence des Chefs d’États a reçu le mémorandum présenté par le Président de la Commission de la CEDEAO sur la situation politique en cours au Niger. Elle a mené une discussion approfondie sur les dernières évolutions intervenues et rappelle les mesures immédiates mises en œuvre sous forme de déclarations, de communiqués, de missions et de consultations avec les dirigeants régionaux, continentaux et mondiaux. La Conférence condamne fermement le coup d’État du 26 juillet 2023 et la détention illégale du Président Bazoum Mohamed, sa famille ainsi que les membres de son gouvernement et rappelle le principe de la tolérance zéro pour les changements anticonstitutionnels de gouvernement tel que prévu par le cadre juridique qui la gouverne.

En effet, le Protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, adopté en 1999, définit une panoplie de situations où la CEDEAO est habilitée à intervenir, cela inclut les conflits armés et les cas de remise en cause de l’État de droit, de renversement ou de tentative de renversement d’un gouvernement démocratiquement élu. Par la suite, l’Organisation a complété son arsenal juridique par l’adoption d’un Protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance, adopté en 2001, puis d’un Acte additionnel, adopté en 2012, beaucoup plus contraignant. Ce dernier, autorise l’Organisation à recourir à l’utilisation de la force légitime, dans le cadre de « l’imposition de la paix ou la restauration de l’ordre constitutionnel » (Article 6 (XV), Acte additionnel de 2012). 

Dès lors, sur la base de ces instruments juridiques, le Communiqué final du Sommet édicte des mesures fortes à l’encontre du Niger dont entre autres : fermeture de toutes les frontières terrestres et aériennes entre les pays encore membres de la CEDEAO et le Niger, suspension des transactions commerciales et financières, gel des avoirs du Niger dans les banques centrales de la CEDEAO et les banques commerciales, des sanctions ciblées contre les responsables du coup d’État (gels des avoirs et interdiction de voyage), etc. En outre, l’Organisation a lancé un ultimatum d’une semaine au Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) pour rétablir l’ordre constitutionnel en réinstaurant le Président Mohamed Bazoum dans le fauteuil présidentiel à défaut de quoi elle se réserve le droit de prendre d’autres mesures, notamment le déploiement d’une intervention militaire.

Pour rappel, ce n’est pas la première fois que la CEDEAO réagit avec célérité, à un changement anticonstitutionnel de gouvernement. L’intervention militaire en Gambie en 2017 a permis le départ de Yahya Jammeh qui refusait de reconnaître les résultats des élections ayant donné victoire à l’opposant Adama Barrow. Si l’on remonte plus loin, d’autres opérations militaires de la CEDEAO ont participé à rétablir l’ordre constitutionnel notamment en Sierra Léone (1998) et en Guinée-Bissau (2012). En outre, dans la même perspective, la CEDEAO a contribué à des actions de médiation au Burkina Faso en 2014-2015, en Guinée (2018-2019), souvent accompagnées de menaces d’un recours à la force comme en Côte d’Ivoire (2010-2011) ou encore au Mali (2012). 

Si toutes ces initiatives peuvent faire l’objet d’une analyse critique, l’Organisation les mets tout de même en avant pour crédibiliser sa position au Niger et son engagement en matière de protection de la démocratie. 

Le 31 juillet 2023 Par INESI