INESI – Pouvez-vous vous présenter (cursus scolaire, universitaire, vie professionnelle) ?

 

Aminata Salifou Mody (ASM) : Je m’appelle Aminata Salifou Mody, connue sous le pseudonyme de #Hajia culture. Ma formation de base est dans le domaine de l’audiovisuel. J’ai eu la chance de faire partie de la filière Art et Culture de l’Université Abdou Moumouni de Niamey coordonnée par le professeur Tidjani Alou Antoinette. En outre, j’ai suivi d’autres formations.

Je suis également la Coordinatrice de l’ONG Al Adun Gargajiya (ALDU Niger).

INESI – Quelle est votre perception de la « culture nigérienne » ?

 

ASM : Elle s’illustre dans la thématique de la dernière édition du festival BEFA, qui signifie en Songhaï « défilé de tenues traditionnelles », à Diffa, en 2019. Nous nous sommes concentrés sur deux mots : la culture et la paix. C’est de là même qu’est née la précédente édition du BEFA sur : « La Culture Facteur de Dialogue et de Paix ». Personnellement, je perçois la culture comme facteur de dialogue et de paix.

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INESI – En tant que Présidente de l’ONG Al Adun Galgagia, quels sont vos buts et objectifs ?

 

ASM : L’ONG Al Adun Gargajiya se fixe comme objectif général de contribuer à promouvoir la culture nationale à travers un idéal de paix, de tolérance et de partage entre tous les jeunes de la société nigérienne.

INESI – Vous définissez-vous comme un « leader », une « Cyber-activiste » ou une « patriote » voulant réveiller les consciences sur notre richesse culturelle ?

 

ASM : Je me situe à la 3ème colonne : une « patriote » voulant réveiller les consciences sur notre richesse culturelle.

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INESI – Vous avez établi un festival dénommé « BEFA » à Tillabéri, puis à Diffa, dans un contexte de « kawayen parties » (déguisement traditionnel lors des mariages) et d’insécurité. Pouvez-vous nous expliciter le concept et vos objectifs à court, moyen et long terme ?

 

ASM : Au départ, le BEFA est un concours d’élection de la plus belle fille de la région désignée avec des soirées adaptées au festival et à sa thématique. Par exemple pour Tillabéri, nous avons opté pour « La Région du fleuve ». C’était la première édition, donc une première expérience. Il n’y avait pas de sujet proprement dit, contrairement à la dernière édition du BEFA à Diffa, en 2019, où l’on a parlé de paix, de tolérance, de sécurité.

La soirée est la dernière étape du festival avec un message de clôture après le défilé de l’élection de la plus belle fille de la région de l’année. Pour l’édition précédente, nous avons réfléchi à intégrer l’élection du « Master ».

La particularité de la soirée est que tout se fait en mode traditionnel avec les tenues des différentes communautés existant dans la région, les coiffures, l’embellissement du corps, la danse, l’aisance, la prestance, les chansons traditionnelles. L’idée étant de jumeler danse, musique et élégance.

À long terme, l’objectif est de présenter toutes les tenues et les cultures de toutes les communautés vivant dans les huit (8) régions du Niger. Ce qui nous permettrait d’organiser une élection « Miss & Master BEFA » annuelle avec les ressortissants des différentes régions et les représentants de toutes les communautés. L’idée est de passer du régional au national puis à l’international.

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INESI – Comment vivez-vous vos activités quotidiennes en tant que femme ? Faîtes-vous face à des problèmes relatifs au genre ? Quelle est la place de la femme dans la « tradition nigérienne » ? Vous êtes-vous penchée sur le matriarcat largement ignoré aujourd’hui dans nos sociétés ?

 

ASM : Personnellement, je ne me focalise pas sur la question du genre. Je fais partie de ces acteurs qui ont décidé de faire la promotion de la culture, spécialement dans le domaine de la préservation du patrimoine culturel. C’est un domaine dans lequel je constate qu’il n’y a que des personnes matures, car peu de jeunes s’y intéressent. Pour moi, le souci est le manque de formation. C’est la raison pour laquelle je me bats pour obtenir une base solide en la matière afin d’avoir mon mot à dire. Je ne me focalise pas du tout sur le genre et sur l’âge. Je pense que tout le monde rencontre des problèmes quel que soit le domaine, il suffit seulement de s’avoir s’adapter.

En ce qui concerne la place de la Femme nigérienne, nous savons tous que la Femme, en général, est le socle de la société. La Femme nigérienne ne fait pas exception puisqu’elle est le noyau dur du foyer qui prend soin des enfants, de la maison, de l’époux, etc., en plus de son travail. Elle s’intéresse aussi à la vie sociale et à la représentation de la famille. Bref ! On ne peut pas tout citer ici. Je rends un vibrant hommage à la Femme nigérienne.

INESI – Avez-vous eu des projets dans le domaine « audio-visuel » ? Avez-vous produit des films ou des documentaires sur le Niger ?

 

ASM : Oui, depuis le début. Avant même de suivre une formation dans le domaine, j’ai eu à rédiger des scripts ou des scénarios de films et de documentaires. Malheureusement, avec le temps, j’ai dû mettre tout cela en stand by. Mais, je suis en train de retravailler sur ces projets. Personnellement, je suis plus intéressée par les documentaires puisque c’est l’occasion pour moi de partager mon amour pour l’audiovisuel et la culture. Aussi, je prends mon temps et j’essaie de me former. Encore plus dans ce domaine, j’essaie d’être polyvalente. Je fais de mon mieux pour acquérir des compétences dans le domaine du scénario afin de pouvoir un jour, collaborer avec des scénaristes, des producteurs, des réalisateurs nigériens afin de mettre sur pied plateforme, pour tous ces projets qui me tiennent à cœur.

INESI – Le secteur culturel est-il économiquement viable ? Quels sont vos solutions pour améliorer la situation actuelle des artistes nigériens ?

 

ASM : De par ma modeste expérience, je pense que le secteur culturel est économiquement viable. Nous avons vu des pays qui se sont développés grâce à la culture. Je reste convaincue que la culture est un facteur de développement d’un pays lorsqu’on s’y investit. Surtout dans des pays comme le Niger où nous avons des richesses culturelles extraordinaires. Si cette richesse culturelle est vraiment exploitée, elle peut être une source de revenus considérables.

Je pense que pour améliorer la situation actuelle des artistes nigériens, il est indispensable de sensibiliser tout le monde à tous les niveaux, sur l’importance de miser sur la culture. La clé est donc la sensibilisation à tous les niveaux (gouvernants comme gouvernés).

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INESI – La défense de la culture est-elle également un moyen de lutte contre l’extrême pauvreté et la « décolonisation » de l’esprit ?

 

ASM : Je dirais oui ! La défense de la culture est également un moyen de lutte contre l’extrême pauvreté et la décolonisation de l’esprit. Quand on décide d’exploiter la culture, déjà cela crée une économie comme je l’ai dit un peu plus haut. Ça fait développer aussi la communauté car cette dernière apprend de sa culture et sur sa culture. Du moment où la communauté sait et connaît l’importance de son identité culturelle, il sera plus facile de décoloniser les esprits. On a coutume de dire que : « Si tu ne sais pas où tu vas, alors retourne d’où tu viens ».

INESI – Vous avez eu à collaborer avec des artistes comme Jhonel. Quelles sont vos relations avec les artistes nigériens ? Des aînés, comme Alphadi, soutiennent-ils vos activités ?

 

ASM : J’avais hâte qu’on me pose cette question un jour parce que j’ai toujours voulu collaborer avec des artistes, des aînés. DIEU a fait qu’en allant dans la filière « Art et Culture » dont Madame Tidjani Alou Antoinette est la coordinatrice, j’ai eu à côtoyer des artistes comme Jhonel, Althess, Sidib Lion, Nzy et bien d’autres. Cela m’a permis d’avoir une ouverture d’esprit sur ce qu’est la culture. Et surtout, j’ai acquis une certaine vision parce que je venais d’un autre univers. En rencontrant tous ces artistes et en les côtoyant tous les jours pendant près d’une année, j’ai appris beaucoup de choses.

Mes relations avec les artistes nigériens, je dirais qu’elles sont « normales » entre griffes. Après ma formation dans l’audiovisuel, je me suis beaucoup plus intéressée aux artistes Hip-Hop avec notamment une collaboration avec Processus Verbal. Mais, lorsque j’ai pris le temps de choisir mon domaine qui est la préservation du patrimoine culturel, matériel et immatériel, tout cela a changé dans le sens où je me suis ouverte à un autre style musical et à d’autres genres artistiques comme le slam par exemple, etc. Du coup, je dirais que j’ai des « relations normales », « j’apprends des artistes » et c’est toujours un plaisir de rencontrer des artistes que je voyais à la télé quand j’étais petite.

INESI – Comment voyez-vous l’avenir du Niger et quels sont vos projets actuels ?

 

ASM : L’avenir est prometteur au Niger et tout le monde va vouloir y investir Insha Allah. En ce qui concerne mes projets actuels, j’en ai beaucoup. Étant une personne assez créative et une boule d’idées 😊, j’ai toujours de nouvelles idées et je m’assigne un nouvel objectif chaque année afin d’éviter de courir plusieurs lièvres à la fois. Sur mes projets actuels, c’est justement d’avoir des collaborations avec d’autres ONG, de créer des partenariats avec des artistes locaux ainsi que des organisations internationales afin de pouvoir mettre en place des mesures de préservation et de sensibilisation sur l’importance de la culture. « Préserver le patrimoine culturel », ce projet me tient à cœur actuellement en attendant de créer des collaborations entre institutions et organisations pour pouvoir mettre en place des projets.

INESI – Pouvez-vous conseiller à nos lecteurs trois ouvrages qui vous ont marquée ?

 

ASM : Les trois ouvrages que je conseille à vos lecteurs sont :

*Sur les rives du fleuve Niger de Kélétigui Mariko ;

*Yazi Dogo et l’art du théâtre populaire au Niger dont l’auteur est Chaibou Dan Inna qui nous a quittés récemment, paix à son âme ;

*Kokowa (la lutte traditionnelle au Niger) de Jean-Yves Ruszniewski préfacé par Saley Boubé Bali.

INESI – Avez-vous un message pour les jeunes et la future génération ?

 

ASM : Croyez en vous, formez-vous. Lorsqu’on s’engage dans un projet, il faut aller jusqu’au bout. Quand vous choisissez un domaine, il faut escalader tous les obstacles pour devenir le meilleur et concentrez-vous sur celui-ci. Les premiers obstacles ne doivent jamais décourager une personne engagée. Croyez en vous et faites passer les études, la formation, en premier, parce que c’est la seule chose que l’on ne pourra vous arracher. Ce qu’il y a dans votre tête, personne ne pourra s’en accaparer. Intéressez-vous aussi à votre identité culturelle parce que cela fait partie de vous. La globalisation est une bonne chose, mais choisissez ce qu’il y a de meilleur pour vous sans chercher à prouver des choses à qui que ce soit. Vivez votre vie…. Soyez vous-mêmes !

Par L'INESI LE 03 MAI 2020