Le Ministre de la Santé Publique, Dr Illiassou Mainassara, vient de faire un communiqué, ce samedi 21 mars 2020, affirmant qu’un deuxième cas de COVID-19 est identifié. Il s’agirait d’un italien de 56 ans travaillant dans une organisation non gouvernementale, revenu au Niger le 28 février, qui est « pris en charge par les services compétents » et son état serait « stable » selon ce dernier.
Cette déclaration interroge, puisque le jeudi 19 mars 2020, le même ministre annonçait à la télévision nationale et sur les chaines internationales que le Niger enregistrait son « premier cas de Coronavirus ». Un nigérien de 36 ans, magasinier d’une compagnie de transport terrestre, ayant effectué l’itinéraire Lomé, Accra, Abidjan et Ouagadougou. Il aurait été « pris en charge par les services compétents » et son « état est stable ».
On note ainsi qu’un cas qui était sur le territoire nigérien pendant quasiment un mois n’a été révélé à l’opinion publique que le 21 mars. Dans cette crise sanitaire mondiale, si le gouvernement nigérien a pris des mesures restrictives, par les décisions des Conseils des ministres du 13 mars, du 17 mars, du 20 mars 2020 et la mise en place du Comité Interministériel de Lutte contre la pandémie de la Covid-19, le cas italien soulève des questionnements sur l’efficacité de notre système étatique de prévention.
Le droit à la santé est inscrit dans l’article 12 de la Constitution de la VIIème République, du 25 novembre 2010. Cette disposition précise que « L’État assure à chacun la satisfaction des besoins et services essentiels ainsi qu’un plein épanouissement » et il est important de relever que c’est le même article qui souligne aussi que « Chacun a droit à la liberté et à la sécurité dans les conditions définies par la loi ».
Le pacte fondateur accorde une importance si structurelle à la santé qu’il précise dans son article suivant, l’article 13, que « toute personne a le droit de jouir du meilleur état de santé physique et morale » et que « l’État veille à la création des conditions propres à assurer à tous, des services médicaux et une aide médicale en cas de maladie ». Les collectivités territoriales, tout comme les entreprises nationales et internationales, sont soumises aux mêmes obligations constitutionnelles que l’État (article 21 et 37).
Le communiqué laconique du ministre de la santé sans des éléments techniques d’appréhension de ce cas italien de COVID-19 laisse perplexe. Comment comprendre que ce cas n’ait pas été détecté et déclaré plus tôt ? Y a-t-il eu un contrôle à l’entrée du territoire ? Depuis son arrivée sur sol nigérien, combien de contacts physiques ou oraux ce sujet a-t-il avec les nigériens ? A-t-il exercé son activité au sein de son ONG au contact d’enfants ou de personnes vulnérables ? Les services compétents ont-ils réussi à identifier toutes les personnes ayant été au contact de cet italien ?
Le dernier bilan établi à partir des sources officielles dénombrent près de 11 401 morts, au 20 mars 2020, dans le monde et plus de 271 660 cas d’infection dans 163 pays depuis le début de l’épidémie en fin décembre dans la province de Wuhan (Hubei) en Chine. Une multitude de pays ont fermé leurs frontières comme le Niger et en France, l’Assemblée nationale a voté l’instauration d’un « état d’urgence sanitaire » il y a quelques jours.
La situation nigérienne fait « peur » à la lecture de la « situation de la santé » sur le territoire. L’OMS a établi en 2018, sur la base d’informations gouvernementales, que malgré des avancées :
« La situation sanitaire reste cependant préoccupante, marquée par une mortalité maternelle et infantile encore élevée, le double fardeau des maladies transmissibles et non transmissibles, l’insalubrité du milieu, la précarité des conditions d’hygiène et d’assainissement, les difficultés d’approvisionnement en eau potable, la survenue quasi-régulière de situations d’urgence auxquelles le pays n’est pas toujours préparé. Bien que la Constitution du pays garantisse le droit de tous à la santé, dans la pratique, il existe des inégalités et des iniquités dans l’accès aux services de santé pour certaines catégories de personnes, notamment les populations pauvres, les femmes et les jeunes.
Les principaux défis majeurs du secteur santé concernent :
i) les taux élevés de morbidité et de mortalité ;
ii) la fréquence des épidémies et autres situations d’urgence ayant un impact négatif sur la santé ;
iii) la faible performance du système de santé liée notamment à une insuffisance des ressources humaines, matérielles et financières accordées à la santé ;
iv) la faiblesse du partenariat et de la coordination : les liens entre santé et pauvreté, santé et sécurité alimentaire, santé et environnement, impliquent un renforcement significatif de la collaboration intersectorielle en vue de mieux agir sur les déterminants de la santé ».
L’Assemblée nationale relevait elle-même, en octobre 2019, « qu’en dépit de tous les efforts déployés par l’État et ses partenaires dans le secteur de la santé, des problèmes quasi récurrents entravent le fonctionnement des hôpitaux publics ».
Le Total des dépenses de santé en pourcentage du produit intérieur brut, n’est que de 6.65%, en 2016, toujours selon l’OMS. Or, l’article 153 de la Constitution impose à l’État d’investir prioritairement dans la santé.
Nous devons prendre les taureaux par les cornes et être sans aucun état d’âme sur les défaillances identifiées dans la prévention et la protection de la population nigérienne.
Nous attendons du ministre de la santé, des informations plus complètes et plus techniques sur le cas italien et la « guerre sanitaire » qu’il mène sur le territoire.
De combien de masques de protection dispose-t-on ? Y aurait-il des distributions gratuites ? Quelles sont les services compétents pour effectuer les dépistages ? Combien de lits médicaux dispose-t-on sur l’ensemble du territoire ? Y a-t-il eu des négligences ?
En France, des médecins ont porté plainte contre le Premier ministre Édouard Philippe et l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn, le 19 mars, à la Commission des requêtes de la Cour de justice de la République, pour s’être abstenus « volontairement de prendre ou de provoquer les mesures permettant (…) de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes » concernant l’épidémie de Covid-19. Ils risquent deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende. Dans le contexte nigérien, en cas de négligences et de failles détectées les responsabilités devront être établies et les personnes concernées jugées.
Une information préventive à l’endroit de la population dès le 28 février 2020, aurait sans doute permis de réduire et de restreindre le nombre de personnes susceptibles d’avoir été contaminées.
Pour l’instant, le citoyen lambda nigérien ne dispose toujours pas d’informations médicales techniques, précises et concises sur la situation du Niger. Soyons francs envers le peuple et établissons une bonne méthode de diffusion des informations.
Pour finir sur une note positive, l’OMS établit des lignes directrices et conseille aux personnes de :
« 1 – Se laver fréquemment les mains
Se laver fréquemment les mains avec une solution hydroalcoolique ou à l’eau et au savon.
Pourquoi ? Se laver les mains avec une solution hydroalcoolique ou à l’eau et au savon tue le virus s’il est présent sur vos mains.
2 – Éviter les contacts proches
Maintenir une distance d’au moins 1 mètre avec les autres personnes, en particulier si elles toussent, éternuent ou ont de la fièvre.
Pourquoi? Lorsqu’une personne infectée par un virus respiratoire, comme la COVID-19, tousse ou éternue, elle projette de petites gouttelettes contenant le virus. Si vous êtes trop près, vous pouvez inhaler le virus.
3 – Éviter de se toucher les yeux, le nez et la bouche
Pourquoi? Les mains sont en contact avec de nombreuses surfaces qui peuvent être contaminées par le virus. Si vous vous touchez les yeux, le nez ou la bouche, vous risquez d’être en contact avec le virus présent sur ces surfaces.
4 – Respecter les règles d’hygiène respiratoire
Se couvrir la bouche et le nez avec le pli du coude ou avec un mouchoir en cas de toux ou d’éternuement – jeter le mouchoir immédiatement après dans une poubelle fermée et se laver les mains avec une solution hydroalcoolique ou à l’eau et au savon.
Pourquoi ? Se couvrir la bouche et le nez en cas de toux ou d’éternuement permet d’éviter la propagation des virus et autres agents pathogènes.
5 – Tenez-vous informé et suivez les conseils de votre médecin
Tenez-vous au courant des dernières évolutions concernant la COVID-19. Suivez les conseils de votre médecin, des autorités de santé nationales et locales ou de votre employeur pour savoir comment vous protéger et protéger les autres de la COVID-19.
Pourquoi ? Ce sont les autorités nationales et locales qui disposent des informations les plus récentes sur la propagation ou non de la COVID-19 dans la région où vous vous trouvez. Elles sont les mieux placées pour expliquer ce que les personnes dans votre région devraient faire pour se protéger ».
Par L'INESI Le 22 Mars 2020
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